• Lourdes 2010

     

    Lourdes                                  Conférence 1

     

                Apprendre à faire le signe de la croix avec Bernadette

     

    • Les catholiques ont l’habitude de faire le signe de la croix pour chaque prière ; celle du matin, du soir ou en toute autre occasion, en s’arrêtant devant une croix, en entrant dans une église par exemple, ou en entamant une miche de pain. La messe commence et s’achève avec le signe de la croix. On le fait au baptême et en fin de vie, et à chaque sacrement et il y a les onctions avec l’huile sainte ou le saint chrême au baptême, à l’onction des malades, à l’ordination sacerdotale. Essayons de regarder ce signe, on est tellement habitué à le faire ou à le recevoir que l’on y prête pas attention ou si peu. Et pourtant quel poids de sens s’y trouve attaché ! Il rappelle la croix du Christ et les paroles qui l’accompagnent renvoient à la Trinité. La 2ème conférence sera consacrée à la Trinité, celle d’aujourd’hui à la passion, à la mort et à la résurrection.La première fois que je fus à la grotte, c’était le jeudi 11 février 1858. J'allais ramasser du bois mort avec deux autres petites (Toinette, sa sœur, et Jeanne Abadie, dite Baloume). Quand nous fumes au moulin (de Savy), j'ai demandé aux deux autres petites si elles voulaient aller voir où l'eau du moulin allait se joindre au Gave. Elles me répondirent oui. De là, nous suivîmes le canal. Arrivées là (au pied du rocher de Massabielle) nous nous trouvâmes devant une grotte. Ne pouvant aller plus loin, mes deux compagnes se mirent à même de traverser l'eau qui se trouvait devant la grotte; donc je me trouvai seule de l'autre coté. Elles passèrent l'eau; elles se mirent à pleurer. Je leur demandai pourquoi elles pleuraient. Elles me répondirent que l'eau était froide. Je les priai de m'aider à jeter quelques pierres dans l'eau, afin de passer sans me déchausser. Elles me dirent pour toute réponse de faire comme elles. Alors je fus un peu plus loin pour voir si je pouvais passer sans me déchausser, mais impossible. Je revins devant la grotte, et je me mis à me déchausser. A peine si j'avais oté le premier bas, j'entendis un bruit comme si c'eût été un coup de vent. Alors j'ai tourné la tête du côté de la prairie. J'ai vu les arbres très calmes; j'ai continué à me déchausser. J'entendis encore le même bruit; comme je levais la tête en regardant la grotte, j'aperçus une Dame habillée de blanc, portant une robe blanche, une ceinture bleue et une rose jaune sur chaque pied, de la couleur de la chaîne de son chapelet; les grains de son chapelet étaient blancs. La Dame me fit signe du doigt de m'approcher; mais je fus saisie, je n'osai pas; croyant être en face d'une illusion, je me frottais les yeux, mais en vain; je regardais encore et je voyais toujours la même Dame. »                        À cette étape du récit de Bernadette, c'est l'image des pieds nus de la Dame qui frappent mon esprit, raconte François Vayne, le responsable de la librairie et de la maison d’édition, ici même, à Lourdes, et me reviennent en mémoire ces mots du prophète Isaïe 52,7 : « Qu'ils sont beaux sur les montagnes les pieds du messager qui annonce la paix.» C'est un message de paix intérieure qui va nous être proposé, mais aussi d’approfondissement de la croix et de résurrection, de la trinité. Voici que cette petite fille de rien du tout, qui ne sait encore ni lire ni écrire va devenir maître en vie spirituelle. Là est l’un des paradoxes de cette vie. Et Bernadette continue son récit :                         « Alors je mis la main à ma poche, je pris mon chapelet. Je voulais faire le signe de la croix, mais en vain : je ne pus pas porter la main au front, elle m'est tombée. Alors le saisissement s'empara plus fort de moi; cependant je ne m'en fus pas. La Dame prit le chapelet quelle tenait entre ses mains et elle fit le signe de la croix. Alors je commençai à n'avoir plus peur. Je pris de nouveau mon chapelet, je pus faire le signe de la croix; dès ce moment, je fus parfaitement tranquille. Je me mis à genoux, et je dis le chapelet ayant toujours cette Dame devant les yeux. La vision faisait courir les grains du sien entre ses doigts, mais elle ne remuait pas les lèvres. Après avoir dit le chapelet, la Dame me fit signe d'approcher, mais je n'ai pas osé. Je suis toujours restée à la même place. Alors elle disparut tout d'un coup. Je me mis à ôter l'autre bas pour traverser le petit peu d'eau qui se trouvait devant la grotte, pour aller rejoindre mes compagnes. Et nous nous sommes retirées. Chemin faisant, j'ai demandé à mes compagnes si elles n'avaient rien vu. « Non », me répondirent-elles. » « Et toi, tu as vu quelque chose? » - « Oh! non, si vous n'avez rien vu, moi non plus. » Je croyais m'être trompée. Mais, en nous retirant, tout au long du chemin, elles me demandaient ce que j'avais vu. Je ne voulais pas le leur dire. Voyant qu’elles revenaient toujours sur cela, je me décidai à le leur dire, mais à condition qu’elles n'en parleraient à personne. Elles promirent de garder le secret. Elles me dirent que je ne devais plus y revenir, ni elles non plus, croyant que c’était quelqu'un qui voulait nous faire du mal. Je leur dis que non. Aussitôt arrivées chez elles, elles s'empressèrent de le dire, que j'avais vu une Dame habillée de blanc. Voilà pour la première fois »... Bernadette comprit, pas tout de suite, mais peu à peu, que dans le geste de cette Dame se trouve tout le message que Dieu veut lui communiquer, que Dieu nous a tant aimés qu’il s’est lui-même donné pour nous. Tel est le message de la croix, que cette Dame transmit ce jour-là sans parole à Bernadette ;C’était le charisme de Bernadette de bien faire le signe de la croix, d’en faire une prédication silencieuse..Une autre religieuse dit ceci : « J’avais toujours remarqué, lorsque Bernadette faisait le signe de la croix, qu’il y avait dans son attitude, dans l’ampleur de son geste quelque chose d’élevé, de surhumain, que je ne savais m’expliquer, mais que je cherchais à imiter sans y parvenir… »Et moi, et vous, comment est-ce que nous faisons le signe de la croix ?             La croix. « Si vous voulez posséder le Christ, ne le cherchez jamais sans la croix », dit saint Jean de la Croix. Bernadette n’avait pas besoin d’aller la chercher bien loin, la croix. Elle la vivait. Dans la pauvreté extrême du cachot. Papa Soubirous n’était pas un bon gérant de moulin ; il fit faillite. Incapable de payer un loyer, la commune lui ouvrit ce qui servait auparavant de prison, une pièce unique pour tout ce monde sans aucun confort. Pire que cela, il a été accusé l’année précédant les événements d’avoir volé deux sacs de farine et emprisonné, avant d’être reconnu innocent. Les parents n’ont rien que Dieu seul. Même du bois, ils ne peuvent pas s’en payer pour se chauffer et préparer les repas. C’est pourquoi la maman, qui fait des ménages pour gagner quelques sous, accepte que sa fille aille, malgré ses crises d’asthme, en ramasser sous les arbres des environs.                       ‘’Il n’y a pas beaucoup de sages selon la chair, écrit le grand apôtre, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de gens bien nés. Mais ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour confondre ce qui est fort. Ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on méprise, voilà ce que Dieu a choisi ; ce qui n’est pas, pour réduire à rien ce qui est, afin qu’aucune chair n’aille se glorifier devant Dieu. Car c’est par Lui que vous êtes dans le Christ qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification et rédemption, afin que comme il est écrit celui qui se glorifie, qu’il se glorifie dans le Seigneur (1 Cor. 127-31).’’ Le signe de la croix est évoqué dans Ezéchiel, il marque le front de ceux qui gémissent et pleurent. Cela se passe au temple :            ‘’Va, dit le Seigneur à l’homme vêtu de lin, parcours la ville, parcours Jérusalem et marque d’une croix (en fait, la croix était la lettre Tav qui avait dans l’alphabet hébreu ancien la forme d’une croix) au front les hommes qui gémissent et qui pleurent sur toutes les abominations qui se pratiquent au milieu d’elle’’. Je l’entendis dire aux autres : ‘’Parcourez la ville à sa suite et frappez. N’ayez pas un regard de pitié, n’épargnez pas ; vieillards, jeunes gens, vierges, enfants, femmes, tuez et exterminez tout le monde. Mais quiconque portera la croix au front, ne le touchez pas’’ (Ez. 9, 4-6).La croix sauve. ‘’Elle est folie pour ceux qui se perdent, mais puissance de Dieu pour ceux qui se sauvent’’, dit encore le grand apôtre (1 Cor. 1, 18). Si bien qu’il s’en glorifie : ‘’Pour moi, non, jamais d’autre titre de gloire que la croix de notre Seigneur Jésus-Christ ; par elle le monde est crucifié pour moi comme moi pour le monde’’ (Gal. 6,14).‘’Le Christ a annulé le document accusateur que les commandements retournaient contre nous, il l’a fait disparaître, il l’a cloué à la croix, il a dépouillé les autorités et les puissances, il les a publiquement livrées en spectacle, il les a traînées dans le cortège triomphal de la croix’’ (Col. 2, 13-15).            Voilà ce que Cela (Aquero dans le dialecte de Lourdes), la Dame – la petite Bernadette ne sait toujours pas qui elle est – enseigne à la fillette dans cette première apparition. Et elle le fait sans paroles, par sa seule manière de faire le signe de la croix. Bernadette va peu à peu comprendre ce que Paul exprime ainsi : ‘’Je te le recommande devant Dieu qui donne la vie à toutes choses et devant Jésus-Christ qui a rendu devant Ponce Pilate son beau témoignage, observe ces prescriptions d’une manière irréprochable jusqu’à la manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ’’ (1 Tim. 6, 13-14).     « Le Seigneur lui dit : "Parcours la ville, parcours Jérusalem et marque d'une croix (le Tav avait dans l’alphabet hébraïque la forme d’une croix) au front les hommes qui gémissent et qui pleurent sur toutes les abominations qui se pratiquent au milieu d'elle." Je l'entendis dire aux autres : "Parcourez la ville à sa suite et frappez. N'ayez pas un regard de pitié, n'épargnez pas : vieillards, jeunes gens, vierges, enfants, femmes, tuez et exterminez tout le monde. Mais quiconque portera la croix (Tav) au front, ne le touchez pas. Commencez à partir de mon sanctuaire." Ils commencèrent donc par les vieillards qui étaient dans le Temple. »« Et je vis un autre ange montant du côté du soleil levant, ayant le sceau du Dieu vivant ; et il cria à haute voix aux quatre anges auxquels il avait été donné de nuire à la terre et à la mer, disant : ‘’Ne nuisez ni à la terre, ni à la mer, ni aux arbres, jusqu’à ce que nous ayons scellé (marqué du sceau) au front les serviteurs de notre Dieu » (Ap. 7, 2-3) En fait le sceau sur le front des élus ne va pas les soustraire de façon magique à toutes les épreuves. Ils souffriront, comme il est dit peu après au verset 14 : ‘’Ils viennent de la grande épreuve’’, mais le mal n’a pas le dernier mot. Leur ‘’passion’’ comme celle de l’Agneau, dans le sang duquel ils ont lavé leurs vêtements, les conduit au salut et à la vie. Le sang de l’Agneau n’est rien d’autre que la croix du Christ. Aussi l’Eglise, dès qu’elle prend conscience d’elle-même, dès les premières années après la mort du Christ va-t-elle chercher à évoquer la croix du Christ et le tav hébreux (qui est la dernière lettre de l’alphabet hébreux) est remplacé par le tau grec (qui n’est pas la dernière lettre de l’alphabet grec) à cause de la ressemblance de cette lettre avec la croix du Christ (n’oublions que la langue est alors le grec ; Paul écrit en grec, les évangiles sont écrits en grec) : « Nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, c'est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes » (1 Cor 1, 23-25). Origène, par exemple, commente ainsi Ézéchiel : La croix, ne l'oublions pas, constitue d'abord un motif de gloire pour le chrétien, le sceau de sa rédemption, avant d'être l'évocation de la passion du Christ. Dans son commentaire du psaume 36, saint Augustin a ces mots très suggestifs : Ce symbole baptismal de la croix était imposé comme premier rite de l'initiation aux catéchumènes. C'est ainsi qu'au Ve siècle, par exemple, l'évêque Quodvultdeus commente le symbole : 2. Depuis quand et pourquoi les chrétiens d'Occident se signent-ils de haut en bas et de gauche à droite ? Le second texte vient de Luc de Tuy, chanoine de León, puis évêque de Tuy (mort en 1249) :                          ‘’Soudain, remarque le narrateur, Lord Henry, porta la main sur son front. Je crus qu’l avait senti l’huile sainte le toucher et voulait l’essuyer. O mon Dieu, fis-je intérieurement, ne le laissez pas faire cela. Mais il n’y avait pas besoin d’avoir peur : sa main glissa le long de sa poitrine, puis se dirigea vers l’épaule, et Lord Henry fit le signe de la croix. Alors je sus que le signe pour lequel j’avais prié n’était pas quelque chose d’anodin, un bref mouvement de reconnaissance, et une formule me revint de mon enfance, le voile du temple qui se déchirait en deux.’’Ayant partagé le sacrement, nous sommes liés les uns aux autres dans cette communauté fondée sur la vie divine sur laquelle s’ouvre la Croix.  «La seconde fois, c’était le dimanche suivant. J’y revins parce que je me sentais pressée intérieurement. Ma mère m’avait défendu d’y aller. Après la grand-messe, les deux autres petites et moi fumes encore le demander à ma mère. Elle ne le voulait pas, elle me disait quelle craignait que je tombe dans Veau; elle craignait que je ne fusse revenue pour assister à vêpres. Je lui promis que si. Alors elle me donna la permission de partir. Je fus à la paroisse prendre une petite bouteille d'eau bénite, pour la jeter à la vision lorsque je serai à la grotte si je la vois. Arrivées là, chacune prit son chapelet, et nous nous mîmes à genoux pour le dire. À peine si j'avais dit la première dizaine, j'aperçus la même Dame. Alors je me mis à lui jeter de l'eau bénite, tout en lui disant si elle venait de la part de Dieu de rester, et, sinon, de s'en aller. Elle se mit à sourire, à s'incliner; et plus je l'arrosais, plus elle souriait et inclinait la tête et plus je lui voyais faire des signes. Et alors, saisie de frayeur, je me dépêchais aussi de l'asperger jusqu'à ce que ma bouteille fût épuisée. Alors, je continuai à dire mon chapelet, elle disparut, et nous nous retirâmes pour aller à vêpres. Voilà pour la seconde fois. »             Marie a préparé la jeune voyante pour le grand moment de sa première parole. Le 18 février, Bernadette est à la grotte grâce à l'intervention de Madame Milhet, la patronne de Louise Soubirous, qui voulait voir ce qui se passe... «La troisième fois, le jeudi suivant, je jus à la grotte avec quelques grandes personnes qui me conseillèrent de prendre du papier, de l'encre et de lui demander, si elle avait quelque chose à me dire, d'avoir la bonté de le mettre par écrit. Je dis les mêmes paroles à la Dame. Elle se mit à sourire et me dit que ce qu'elle avait à me dire, ce n’était pas nécessaire de l’écrire, mais si je voulais avoir la grâce d’y aller pendant quinze jours. Je répondis que oui. Elle me dit aussi qu’elle ne me promettait pas de me faire heureuse dans ce monde, mais dans l’autre.»4. Nous entrons là au cœur du message de Lourdes (pour ce qui vient maintenant, je m’inspire du petit livre de François Vayne, Prier 15 jours avec Bernadette) : Marie va introduire doucement Bernadette dans le Saint des Saints, là où demeure Dieu. Mais écoutons la fillette : ‘’Ce que j’ai à vous dire, dit la Dame, ce n’est pas nécessaire de le mettre par écrit’’. - Elle parle le patois de Lourdes, le bigourdan : le ciel se met au niveau des hommes pour se faire comprendre (elle ne parle pas en latin !).Voyez à quelle profondeur de vie spirituelle la Dame mène la petite fille qui ne savait pas encore lire et écrire aux moments des apparitions et qui vient de commencer le catéchisme pendant le temps des apparitions.Ceux qu’elle appelle en faisant le signe de la croix, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. La trinité !Moi non plus je ne suis pas un être solitaire. Impossible de vivre seul. Nul n’est une île, disait Thomas Merton, un moine cistercien américain dont les livres de spiritualité ont beaucoup aidé ceux de ma génération Nous avons besoin les uns des autres. Je n’existe que relié aux autres, aux parents d’abord et à la fratrie, mais au-delà de la petite famille, au village, au quartier, et finalement à l’humanité entière. Ensemble nous ne formons qu’un corps réunis par le ciment de l’amour, nous sommes les membres et le Christ, la tête. La petite Thérèse de Lisieux a fait l’expérience de cette communion universelle et elle l’a exprimée dans une fameuse page que je ne veux pas passer sous silence. Elle était malheureuse dans le carmel, car elle portait en elle des désirs immenses ; elle aurait voulu être une sainte et porter l’Evangile jusqu’aux limites de la terre, verser son sang comme les martyrs, célébrer la messe comme font les prêtres. Or, elle n’était rien de tout cela et elle était malheureuse, elle souffrait de sa situation jusqu’à ce qu’un jour elle lût le chapitre 13e de la Première lettre aux Corinthiens :Enfin j'avais trouvé le repos... Considérant le corps mystique de l'Église, je ne m'étais reconnue dans aucun des membres décrits par St Paul, ou plutôt je voulais me reconnaître en tous... La Charité me donna la clef de ma vocation. Je compris que si l'Église avait un corps composé de différents membres, le plus nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l'Église avait un Cœur, et que ce Cœur était brûlant d'AMOUR. Je compris que l'Amour seul faisait agir les membres de l'Église, que si l'Amour venait à s’éteindre,   les   Apôtres   n'annonceraient plus l’Evangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang... Je compris que l’AMOUR RENFERMAIT TOUTES Les vocations, QUE L'AMOUR ÉTAIT TOUT, QU'IL embrassait TOUS LES TEMPS ET TOUS LES LIEUX... EN UN MOT QU'IL EST ÉTERNEL !...Oui j'ai trouvé ma place dans l'Église et cette place, ô mon Dieu, c'est vous qui me l'avez donnée… dans le Cœur de l'Église, ma Mère, je serai l'Amour... ainsi serai tout... ainsi mon rêve sera réalisé ! ! !... ‘’  Mais le Saint-Esprit ?- A partir d’un texte de Grégoire de Nysse :
    • - A partir des premiers chapitres de Saint-Luc
    • Ainsi nous pouvons avoir une idée de la vie en Dieu à partir de notre expérience d’homme : nous constituons ensemble un corps dont les membres sont reliés les uns aux autres par l’amour. Dieu aussi est corps ou communion de plusieurs. Jésus nous l’apprend très clairement ; constamment il se réfère à son Père qui se manifeste lors du baptême, jusque dans l’agonie : ‘‘Père que ce calice s’éloigne de moi. Cependant non pas ma volonté, mais la tienne’’. Et s’il s’adresse à Dieu comme à son Père, il est, lui, le fils. Tut cela nous pouvons le comprendre à partir de notre expérience de la paternité et de la filiation.
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    • Alors, dans l'excès de ma joie délirante, je me suis écriée : O Jésus, mon Amour... ma vocation, je l'ai trouvée, MA VOCATION, C'EST L'AMOUR !...
    • ‘’Sans me décourager je continuai ma lecture et cette phrase me soulagea : ‘’Recherchez avec ardeur les DONS les PLUS PARFAITS, mais je vais encore vous montrer une voie plus excellente." Et l'Apôtre explique comment tous les dons les plus PARFAITS ne sont rien sans l’amour… Que la Charité est la VOIE EXCELLENTE qui conduit sûrement à Dieu.
    • Dieu n’est pas un être solitaire, mais une communauté.
    • Elle découvre qu’elle est la demeure de Dieu ou son tabernacle. Qu’en elle habite la plénitude de la divinité
    • - Vient alors l’essentiel : la Dame promet à Bernadette le bonheur du ciel au milieu de tous les tracas de la terre. Elle ne promet pas le ciel pour demain, mais pour aujourd’hui. Ici et maintenant, comme on dit. ‘’Si quelqu’un m’aime, écrit saint Jean, mon Père l’aimera et nous viendrons chez lui et nous y ferons notre demeure’’ (Jn. 14, 23). La demeure de Dieu en nous, au plus profond de notre être. Saint Augustin dit dans les Confessions : ‘’Je t’ai cherché bien loin, alors que tu étais tout près, en moi, plus intérieur à moi que je ne le suis moi-même.’’ Notre intériorité, ce n’est pas rien, c’est, dit Jérémie, un jardin bien arrosé’’ ou comme dit Thérèse d’Avila, un château ou une vaste demeure intérieure. C’est là, dans ce château intérieur que Bernadette va découvrir son bonheur. Aussi peut-elle dire qu’elle est ‘’plus heureuse qu’une reine sur son trône’’.
    • - La dame vouvoie Bernadette, la petite fille d’un père chômeur et d’une maman femme de ménage. Le respect du ciel pour tout homme, riche ou pauvre.
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    • C’est à cette vie divine que Bernadette est appelée lors de la 3e apparition. Mais il y eut auparavant la 2e apparition, le 14 février au cours de laquelle Bernadette était entrée dans une profonde extase. On la croyait morte. En voici le récit fait par la voyante :
    • Le voile du temple se déchira en deux à la mort du Christ, et tout ce qui nous sépare du Saint des Saints est aboli. Le vieil homme a retrouvé sa demeure en Dieu, et nous en faisons autant. Nous commençons donc chaque eucharistie en nous bénissant, chacun pour sa part, au nom de Dieu, et la concluons par la bénédiction que nous nous donnons les uns aux autres par la personne du prêtre;
    •                         Parce que la croix ouvre à la vie divine partagée qui n’est rien d’autre que la vie trinitaire. Le Père Timothy Radcliffe évoque à ce propos un roman anglais (Brideshead Revisited). Lord Henry, un vieux mécréant, qui a fui Dieu presque toute sa vie est allongé, mourant, sur son lit. Il a reçu l’onction des malades, et Charles, son gendre, qui commence tout juste à s’éveiller à la foi, l’observe anxieusement pour voir s’il va faire le signe de la croix :
    • 3. Pourquoi faire mémoire de la Trinité dans le signe de la croix ?
    • « Une question se présente concernant le signe de la croix, si, lorsque les fidèles font le signe de la croix sur eux-mêmes ou sur d'autres, la main doit se diriger de gauche à droite ou de droite à gauche. A quoi nous répondons, selon ce que nous croyons et tenons loyalement que les deux méthodes sont toutes deux bonnes, toutes deux saintes, toutes deux aptes à surmonter la puissance de l'ennemi : pourvu seulement que la dévotion du chrétien en fasse usage avec la simplicité catholique. Toutefois, voyant que plusieurs s'efforcent, dans leur présomption, de supprimer l'une de ces deux méthodes, et soutiennent que l'on ne doit pas faire passer la main de gauche à droite, selon ce que nous avons appris de nos pères, nous allons dans une intention charitable, dire quelques mots à ce sujet. En effet, lorsque Notre Seigneur Jésus-Christ, pour racheter le genre humain, bénit miséricordieusement le monde, il vint à nous du Père, il vint dans le monde, il descendit, à gauche pour ainsi dire, aux enfers ; et, montant aux cieux, il est assis à la droite de Dieu. Or, voilà précisément ce que tout fidèle chrétien semble retracer, lorsque, signant sa face du signe de la croix, il élève trois doigts étendus à la hauteur de son front en disant : In nomine Patris, les abaisse ensuite jusqu'au menton en disant : et Filii, les porte alors sur la gauche en disant : et Spiritus sancti, et enfin sur sa droite en prononçant : Amen ».
    • « Le signe de la croix doit se faire avec trois doigts, parce qu'on le trace en invoquant la Trinité, dont le prophète dit : Il a soutenu sur trois doigts la masse de la terre. Il est tracé de haut en bas, et ensuite coupé de droite à gauche, parce que Jésus-Christ est descendu du ciel en terre et a passé des Juifs aux Gentils. Certains, cependant font le signe de la croix de gauche à droite, parce que nous devons passer de la misère à la gloire, tout comme le Christ a passé de la mort à la vie et du séjour des ténèbres au paradis ».
    •                         Deux textes rédigés à quelques années d'intervalle, à la charnière du XIIe et du XIIIe siècle, vont, ici, nous servir d'appui. Nous tenons le premier du pape Innocent III (1160-1216) dans son ouvrage sur le sacrement de l'autel :
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    • « Vous n'êtes pas encore nés à nouveau par le baptême, mais par le signe de croix, vous avez été conçus dans le sein de l'Eglise». Ceux qui ne sont pas encore baptisés mais qui ont été marqués du signe de croix sont déjà considérés comme membres de l'Église.
    • « Elle (la croix) n'existe plus comme châtiment, elle subsiste comme gloire. Du lieu des supplices, elle a passé sur le front des empereurs».
    • « La forme de la lettre Tau présentait une ressemblance avec la figure de la croix, ce qui contenait une prophétie du signe que les chrétiens font sur leur front ; car tous les fidèles font ce signe en commençant toute action, particulièrement au début de la prière ou de la lecture de l'Écriture sainte».
    • Ce sceau ou ‘’Stempel’’ qui désigne l’expéditeur du document en même temps qu’il garantit la confidentialité du texte, représente en réalité l’Agneau et son Père, L’Apocalypse l’évoque vers la fin du livre quand il est question de la Jérusalem céleste où ‘’les serviteurs adoreront Dieu et l’Agneau assis sur leur trône au milieu de la ville ; ils verront alors sa face et son nom sera sur leurs fronts’’ (22, 4)
    • Le texte est clair. Le signe d’Ezéchiel préserve de la mort, comme il est un signe de salut, comme l’est dans l’Apocalypse le sceau marqué sur le front des justes :
    •                         Le signe de la croix constitue l'un des rites les plus antiques de l'Église qui remonte à la prophétie d'Ez. 9, 4-6:
    • 1. Origine du signe de la croix ou : pourquoi fait-on le signe de la croix ?
    •                                    Le signe de la croix et la Trinité
    • Lourdes Conférence 2
    •                                                            °°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°
    •             Encore un petit point par rapport à la croix : Jésus est bien mort pour nous ou pour nos péchés. Il faudrait citer ici plein de références. On le traduit parfois : pour notre salut. Mais en aucun cas Dieu n’a voulu la mort de son fils. C’est nous qui l’avons voulue, nous les hommes. Lui, au contraire, a voulu lui rendre la vie en le ressuscitant.
    •             La preuve que la résurrection précède la croix et l’emporte sur elle est que les croix jusque vers le treizième siècle ne représentaient pas le Christ de douleur, mais le Christ vainqueur, glorieux avec non pas une couronne d’épines, mais une couronne en or, une couronne royale. Regardez la croix de saint François, vous y verrez le Christ de gloire – avec les plaies, certes, tel qu’il s’est montré aux apôtres et aux nombreux témoins après la résurrection.
    •             Mais attention, pas de croix sans résurrection. Pas de dolorisme, il ne s’agit pas de s’apitoyer sur la croix, mais d’en entrevoir la victoire, comme le dit le chantVictoire, tu règneras. La croix du Christ n’existe plus pour nous que comme croix glorieuse. Pierre le proclame haut et fort au début des Actes des apôtres : ‘’Dieu l’a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous avez crucifié’’ (2, 36). Par la croix, l’adversaire a été vaincu, ceux qui l’accueillent sont libérés de tout esclavage et participent à la victoire divine :
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    •             Pourquoi t’est-elle apparue à toi ? lui a demandé plus tard une religieuse au couvent de Nevers. Réponse de Bernadette : parce que j’étais la plus pauvre. S’il y avait eu alors une fille plus pauvre que moi, c’est à elle qu’elle se serait montrée. Nous sommes là en plein saint Paul :
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    • M. Estrades, le percepteur d’impôts à Lourdes au temps des apparitions – il n’était pas très croyant au départ et très méfiant envers tout ce qui se passait alors, changea du tout au tout, en particulier par la manière dont Bernadette faisait le signe de la croix : «Je ne sais pas si au ciel on fait le signe de la croix, raconte-t-il, mais si c’est le cas, assurément on le fait comme Bernadette. »
    • Une sœur du couvent de Nevers là où Bernadette a vécu les dernières années de sa courte vie raconte : « Que de fois je me suis surprise à faire le signe de croix avec elle, tant je le trouvais bien fait. La manière dont elle le faisait indiquait qu’elle était remplie d’esprit de foi. Un jour ayant fait moi-même mon signe de croix très imparfaitement, elle me demanda si j’avais mal au bras ou si j’étais pressée. »
    • Bernadette le comprit si bien que tous ceux qui la virent faire dans la suite en furent étonnés.
    • Pourquoi n’arrive-t-elle pas à faire le signe de la croix ? Pourquoi se frotte-elle les yeux ? Elle a peur de ce qu’elle voit, dans la cavité du rocher, elle est comme paralysée. Et alors ? Alors cela qu’elle voit (aquero en bigoudan), qui ressemble à une belle dame toute blanche, telle qu’on la voit représentée partout dans toute les maisons, telle que vous la connaissez tous – nous savons, mais Bernadette ne savait pas qui elle était, cette dame. Quand elle la voit faire ce qu’elle-même voulait faire, elle y réussit; elle le fit et le fit avec une telle ferveur que tous ceux qui la virent faire en furent émerveillés.
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    • Bernadette dès la première apparition nous mène au cœur de notre foi. Ecoutons-en le récit, tel qu’elle-même nous le livre – la pauvre elle a dû le répéter de multiples fois :

    Il réfléchissait à l’unité des chrétiens entre eux et avec l’ensemble de l’humanité. Cette unité est un don, elle nous est donnée par le Saint-Esprit, comme dit l’apôtre. Et c’est là que Grégoire de Nysse vient à citer un passage de l’évangile de ce jour qui m’avait toujours paru obscure. Et il ajoute : le lien de cette unité, est la gloire. Aucun de ceux qui examinent cette question ne saurait y contredire, s’il considère ces paroles du Seigneur : La gloire que tu m’as donnée, je la leur ai donnée. Effectivement, il leur a donné cette gloire quand il leur a dit : Recevez le Saint-Esprit. Cette gloire qu’il possédait de tout temps, avant que le monde fût, le Christ l’a pourtant reçue lorsqu’il a revêtu la nature humaine. Et lorsque cette nature eut été glorifiée par l’Esprit, tout ce qui lui est apparenté a reçu communication de la gloire de l’Esprit, en commençant par les disciples. C’est pour cela que Jésus dit : La gloire que tu m’as donnée, je la leur ai donnée ; qu’ils soient un comme nous sommes un ; moi en eux et toi en moi, pour qu’ils soient parfaitement un.

     

     

     

     

     

     

    Conférence 3

     

                «Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre.»

    Ce sont les paroles de cela (aquero, en bigourdan). Comme les bergers de Bethléem en Saint-Luc : ils sont allés voir cela qui est arrivé, ils racontèrent ce qui  leur a été dit – ces choses – et cela se passait dans une grotte comme à Lourdes. Bernadette ne sait pas encore ce qu’est ce qu’elle voit, elle ne se prononce pas. Elle voit une dame la même qu’elle a vue à la première apparition

     

    L’histoire du signe de la croix et sa représentation à travers les siècles :

     

    Dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, le christianisme était mis au ban de la société. Aussi les chrétiens eurent-ils recours, pour manifester leur foi au Christ, à des représentations symboliques que seuls les initiés reconnaissaient : le poisson, la palme, le cerf, l’agneau et surtout ce qu'on appelle le monogramme du Christ, c'est-à-dire le "chi" et le "ro", qui sont les deux premières lettres grecques du mot Christ, assemblés en une figure unique, telle qu'on la voit sur le monogramme de Metz ici reproduit. Avec l'édit de Milan en 313, l'empereur romain Constantin accorde la liberté à l’Eglise chrétienne. Peu à peu celle-ci sort des catacombes et peut se manifester sans problème sur la place publique. Le Christ prend alors publiquement la forme de la croix telle qu'on la voit sur une pierre tombale de l’époque gallo-romaine, découverte à Metz-Sablon lors des fouilles de l’amphithéâtre. C'est la première figuration chez nous de la croix au IVe siècle.

    A l’époque carolingienne apparaissent et se multiplient les croix avec le Christ crucifié ou crucifix proprement dits. Cependant, on ne présente pas le Christ souffrant ou mort sur la croix, mais le Christ triomphant du matin de Pâques, avec la couronne royale en or sans épines, tel qu'on peut le voir, par exemple, sur l’icône de Saint-Damien, du début du XIIIe siècle, devant laquelle saint François s'est recueilli tant de fois.

    Quatrième et dernier moment dans l’évolution du regard chrétien sur le Christ crucifié : à partir du XIIIe siècle, la dévotion à la passion s'impose, comme on le voit sur la croix sculptée du portail de la Vierge Marie, qui est à l’entrée de la cathédrale de Metz : le Christ des douleurs. Il porte la couronne d’épines; il la porte encore aujourd'hui dans la plupart représentations.

     

    2e apparition le 14 février : Bernadette est en profonde extase.

    « La seconde fois, c’était le dimanche suivant (14 février). J’y revins parce que je me sentais pressée intérieurement. Ma mère m’avait défendu d’y aller. Après la grand’messe, les deux autres petites et moi fûmes encore le demander à ma mère. Elle ne le voulait pas, elle me disait qu’elle craignait que je tombe dans l’eau ; elle craignait que je ne fusse revenue pour assister à vêpres. Je lui promis que si. Alors elle me donna la permission de partir.  Je fus à la paroisse prendre une petite bouteille d’eau bénite, pour la jeter à la vision          lorsque je serai à la grotte si je la vois. Arrivées là, chacune prit son chapelet, et nous nous mîmes à genoux pour le dire. A peine si j’avais dit la première dizaine, j’aperçus la même Dame. Alors je me mis à lui jeter de l’eau bénite, tout en lui disant si elle venait de la part       de dieu de rester, et sinon, de s’en aller. Elle se mit à sourire, à s’incliner ; et plus je    l’arrosais, plus elle souriait et inclinait la tête et plus je lui voyais faire des signes. Et alors saisie de frayeur, je me dépêchais aussi de l’asperger jusqu’à     ce que ma bouteille fût épuisée. Alors je continuai à dire mon chapelet, elle disparut, et nous nous retirâmes pour aller à vêpres. Voilà pour la seconde fois. »

     

    3e apparition : L’entourage pousse Bernadette d’aller à la grotte avec de quoi écrire. La Dame dit à la voyante qui lui présente le papier et l’encre : «Ce que j’ai à te dire il n’est pas nécessaire de l’écrire »… « Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours »… Et là elle ajoute : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde mais dans l’autre ».

    L’approche divine demande un renoncement, une purification, ce que Dieu veut dire s’écrit dans le cœur, comme la nouvelle alliance de Jérémie : « Je leur donnerai  (à ceux qui ont été conduits loin de leur pays, les exilés au pays de Babylone) un cœur pour connaître que  je suis le Seigneur » (24,7) ou en Ezéchiel (11, 14-21) : « Viendra le jour où je vous rassemblerai du milieu des peuples où vous avez été dispersés et je vous donnerai la terre d’Israël. Je leur donnerai un seul cœur et je mettrai en eux un esprit nouveau ; j’extirperai de leur chair le cœur de pierre et je leur donnerai un cœur de chair, afin qu’ils marchent selon mes lois, qu’ils observent mes coutumes… Alors ils seront mon peuple et je serai leur Dieu. »

    Aquero dit vous à Bernadette et elle parle son patois, elle lui parle avec respect, à elle, la fille de rien, la fille de chômeur et de femme de ménage, elle la regarde non pas comme une chose, mais comme une personne, et elle en est bouleversée. Le même respect que l’on trouve dans l’épisode de la Samaritaine en Saint-Jean (4, 9) : la Samaritaine a été de la même façon bouleversée au puits de Jacob parce qu’un Juif s’adressait à elle – il y avait alors une grande hostilité entre les deux peuples, les Juifs et les Samaritains.

    Puis vient le grand message. Elle me dit aussi… Bernadette dira plus tard : « La sainte Vierge ne m’a pas menti ; la première partie de ses paroles se vérifie, ça, je le tiens, je suis sûre de l’avoir » - la pauvreté, la maladie, la manière honteuse dont elle est reçue au couvent chez les religieuses, elle, la « bonne à rien ». Or ce qui frappe les contemporains, c’est la joie mystérieuse de Bernadette. « Je suis, dira-t-elle plus tard, plus heureuse qu’une reine sur son trône ». Dès cette vie elle est secrètement introduite dans l’ « autre monde ». De plus en plus.

    Il y a là tout un chemin qui s’ouvre  devant la petite Bernadette sous la houlette de la Dame, un chemin spirituel qui la mène d’elle, de là où elle se trouve, jusqu’au plus secret du cœur ou jusqu’au sommet de la montagne, comme dit le grand mystique espagnol Jean de la Croix, là où se fait la rencontre de Dieu.

     

                            Le Seigneur descendit sur la montagne du Sinaï, au sommet  de la             montagne. Il appela Moïse et Moïse monta… (Ex. 19, 16-25)

     

    Le prophète Elie fit la même expérience au moment où le roi Achab chercha à le tuer à cause de son zèle pour le Dieu de ses Pères et qu’il dut se cacher dans le désert. La vie lui parut insupportable au point qu’il souhaita mourir. C’est alors que Dieu le réconforta :

     

                          Il se leva, mangea une galette qu’un Ange lui apporta et but dans une gourde d’eau, puis soutenu par cette nourriture il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu’à            la montagne de Dieu, l’Horeb.

     

    Là il fit l’expérience de Dieu.

    La grande découverte de Bernadette  fut celle-ci : l’autre monde n’est pas pour l’après-vie, il est ici et maintenant et c’est la prière. Rien d’autre que la prière ou la rencontre avec le Seigneur. Découvrir que le Seigneur n’est pas loin, que je n’ai pas à traverser la mer, il est plus intérieur à moi que je ne luis moi-même, comme  le dit si bien saint Augustin dans ses Confessions. Quitter le moi superficiel, creuser en soi comme on creuse un puits, atteindre l’eau dans les couches profondes de la terre. Laisser mon « petit monde » ou comme dit Maurice Zundel, le moi préfabriqué, ce qui est donné à la naissance, ce avec quoi je suis venu au monde, notre être biologique, pour qu’advienne le vrai moi, l’autre vie ici et maintenant. Que mon âme se déploie comme un jardin bien arrosé, qu’elle devienne l’habitation divine qu’elle aspire à être. C’est cela l’autre vie dont parle la Dame. La souffrance n’est pas absente dans cette autre vie, mais elle est transfigurée comme on le voit dans le corps glorieux ou le corps ressuscité du Christ. Les blessures de la croix n’y sont pas détruites, elles sont illuminées, transfigurées. Dans ma vie de croyant tout demeure de l’ancienne vie, les mêmes souffrances, les mêmes difficultés, la même banalité des jours ordinaires, mais elles prennent sens : à travers elles, Dieu m’enfante pour une vie nouvelle. Il faut renaître pour entrer dans le royaume de Dieu. Mais comment puis-je renaître, moi qui suis déjà vieux ? Nicodème avait posé la question au Christ. Il ne s’agit pas de retourner dans le sein de sa mère, mais de se laisser remodeler par la grâce d’en-haut.

    On ne peut mieux dire que saint Paul dans 2 Cor. 4, 16-18 :

    Frères,

    Dans tout ce qui nous arrive

    Nous ne perdons pas courage,

    Et même si en nous l’homme extérieur s’en va vers sa ruine,

                         l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour.

    Car nos épreuves du moment présent sont légères

    Par rapport au poids extraordinaire de gloire éternelle qu’elles nous préparent.

    Et notre regard ne s’attache pas à ce qui se voit, mais à ce qui ne se voit pas ;

    ce qui se voit est provisoire,

    ce qui ne se voit pas est éternel.

    Bernadette a des mots tout simples pour dire cela : « Je pensais que le Bon Dieu le voulait. Quand on pense que le Bon Dieu le permet, on ne se plaint pas ». Elle pensait aux malheurs de sa famille avant les apparitions. Elle découvre aussi que ce n’est pas elle, son apparence qui importe, mais cela qui est caché dans son cœur et dans le cœur de chaque homme. Christian Bobin écrit dans un texte tout court ceci : Est homme celui qui va « comme va le Christ sur les chemins de Palestine, tête nue », dans la recherche jamais interrompue d’autrui qui est plus grand que soi… Et le premier venu surprend par la noblesse de sa solitude, par la beauté perdue de ses jours. Ne me regardez pas moi, dit le Christ, regardez plutôt le premier venu et ça suffira, ça devrait suffire…

    Je ne cesse de m’étonner du chemin que cette petite Bernadette fit sous la houlette de la Vierge Marie. Marie lui a ouvert les yeux, comme cela s’était passé pour le grand apôtre Paul sur le chemin de Damas.

    Et elle, la petite fille de rien du tout, qui ne savait même pas lire et écrire lors des apparitions devient à son tour maîtresse de vie spirituelle. Elle avait beaucoup de goût pur la lecture ; et la maladie lui laissait le loisir de se livrer à cet attrait de son esprit et de son cœur. Et souvent elle faisait des réflexions comme celles-ci: « Je n’aime pas les Vies de Saints où on les présente comme entièrement parfaits, d’une perfection tout unie, sans une défaillance, sans une faute, sans une inégalité. Ils sont tellement célestes que cela tend à nous décourager, nous, qui sommes si loin d’un tel état… S’ils y sont arrivés (à la perfection), on devrait au moins nous marquer toutes les étapes du chemin qu’ils ont suivi pour y parvenir… La contemplation de leur triomphe total ne m’enseigne rien : c’est la vue de leur combat qui m’apprendrait à lutter… Il faut qu’on nous montre qu’ils étaient comme nous, afin qu’ensuite nous-mêmes nous devenions comme eux.» (Henri Lasserre, Bernadette, la voyante de Lourdes 1926 p. 189-90).

    Elle devint aussi maîtresse en Bible. C’est encore Henri Lasserre qui en témoigne :

     

    « Le texte des Ecritures avait pour la voyante de Lourdes un charme profond dont elle ne se lassa jamais. Oserons-nous dire qu’elle le préférait à tous les sermons ? Elle y trouvait une saveur inexprimable, une saveur sans cesse renaissante que son intelligence ou son âme ne savaient point toujours goûter dans les commentaires les plus éloquents. Parfois on la surprenait l’Evangile à la main, versant des larmes sur les douleurs de l’Homme-Dieu. 

    …La Passion, disait-elle, me touche plus quand je la lis que quand on le la prêche. 

     

    L’appel et la vocation de Bernadette (sur internet).

     

    Sa vocation ? Il est évident que les apparitions ont marqué le cours de sa vie.  Par elles  elle a découvert des points essentiels : d’abord à faire le signe de la croix, puis à découvrir le bonheur (Il n‘est pas en ce monde, mais en l’autre), à s’ouvrir à l’au-delà dans les longues extases. Et surtout : Au lendemain des apparitions, Bernadette s'interroge sur le sens à donner à sa vie.

    Et moi est-ce que je m’interroge sur le sens à donner à ma vie ? Car moi aussi, Dieu m’appelle, comme il a appelé les prophètes, comme il a appelé Paul et les apôtres. Je voudrais méditer avec vous un instant ce que Paul écrit aux chrétiens de Rome à propos d’Abraham : « Il est notre père devant Celui en qui il a cru, qui fait vivre les morts et appelle à l’existence ce qui n’existe pas ». Il m’appelle, cet appel me fait être…, sans lui je ne serais pas

     

    Bernadette se sent appelée à devenir religieuse, mais dans quelle congrégation? Elle se met en recherche. Le carmel de Bagnères-de-Bigorre l’attire d’abord. En 1860-1861, elle parle de rejoindre un ordre religieux dédié à saint Bernard. Elle aimerait y entrer pour les veilles, jeûnes, discipline et autres mortifications qui s'y vivent… mais sa mauvaise santé semble être un obstacle ainsi que sa pauvreté car une dot est demandée. En 1863, les sœurs de la Charité de Nevers, en mission à l’hospice de Lourdes, l’orientent vers le soin des malades. Pour Bernadette, à leurs côtés, c'est une expérience décisive. Ce qu’elle apprécie, entre autres, chez les sœurs de Nevers, c’est leur discrétion à son égard, en contraste avec d’autres, qui la sollicitent de toutes parts. Elle dira plus tard : «Je vais à Nevers parce qu’on ne m’y a pas attirée».

    Le 27 septembre 1863, Bernadette a une conversation très intéressante sur son avenir avec Mgr Forcade, évêque de Nevers, de passage à Lourdes.

    Les mois suivants, Bernadette mûrit son discernement. Le 4 avril 1864, après une messe célébrée à l’hospice de Lourdes, elle va trouver la supérieure des religieuses, sœur Alexandrine Roques et lui dit : «Je sais maintenant, ma chère Mère, où je dois me faire religieuse […]. Chez vous, ma chère Mère».

    Du 4 octobre au 19 novembre 1864, Bernadette est partie se reposer, loin de Lourdes, sans avoir la réponse à sa demande du 4 avril. A Nevers, la supérieure, Mère Joséphine Imbert, hésite: elle s’inquiète des perturbations que la célébrité de Bernadette risque d’entraîner pour la maison religieuse qui la recevrait. Mère Marie-Thérèse Vauzou, la maîtresse des novices, émet un avis favorable. L’évêque de Nevers appuie la demande.

    Le 19 novembre 1864, en rentrant à Lourdes, Bernadette trouve une bonne nouvelle : la réponse est positive. Le postulat peut donc commencer dès à présent, depuis Lourdes. Mais Bernadette tombe gravement malade, de début décembre 1864 à la fin du mois de janvier 1865. Sa convalescence est attristée par le décès de Justin, son petit frère.

    Bernadette commence finalement son postulat en février 1865. En avril 1866, elle rédige sa demande d'entrée au noviciat de Nevers. Désormais, elle peut rejoindre la maison-mère des Soeurs de la Charité.

    Le 28 avril 1866, Bernadette annonce son départ pour Nevers. Mais Mgr Laurence, l'évêque de Tarbes,  tient à ce qu’elle soit présente à l’inauguration de la crypte (érigée à l'aplomb de la Grotte, dans le sanctuaire naissant). Bernadette assiste à la célébration et participe à la première procession officielle qui répond à la demande de la Vierge Marie. A cette occasion, Bernadette subit les assauts des curieux. Mgr Laurence autorise vite le départ de Bernadette pour Nevers. Le 3 juillet 1866, toute la famille Soubirous est réunie au moulin Lacadé - nouveau lieu d'habitation - pour le repas d’adieu. A Lourdes, Bernadette aura mûri pendant huit ans sa vocation de baptisée.

     

    La vocation religieuse

    Du 4 au 7 juillet 1866, Bernadette voyage de Lourdes vers Nevers. Une fois arrivée à la maison-mère des Soeurs de la Charité, après le témoignage qu’elle fera des apparitions, Bernadette coiffe le petit bonnet et revêt la pèlerine de postulante. Bernadette a formellement précisé qu’elle venait pour «se cacher». Bernadette a le mal du pays. Elle dira : «C’est le plus grand sacrifice de ma vie». Elle surmonte ce déracinement avec courage, mais aussi avec humour. De plus, elle assume sans arrière-pensée cette nouvelle étape : «Ma mission est finie à Lourdes», «Lourdes n’est pas le ciel». Bernadette prend l’habit religieux le 29 juillet 1866, trois semaines après son arrivée, avec 42 autres postulantes. Elle reçoit le nom de sœur Marie-Bernard. En septembre 1866, Bernadette voit son état de santé s’aggraver. En octobre 1866, elle est à toute extrémité. Le docteur Robert Saint-Cyr, médecin de la communauté, assure qu’elle ne passera pas la nuit. Mère Marie-Thérèse juge bon que Bernadette face profession in articulo mortis... Elle survivra à cette nuit. En décembre 1866, Bernadette apprend le décès de sa maman, Louise. Elle avait 41 ans. Le 2 février 1867, Bernadette, guérie, revient au noviciat. Le 30 octobre 1867, Bernadette fait profession entre les mains de Mgr Forcade, l'évêque de Nevers. Elle s’engage pour la vie à pratiquer les vœux de «pauvreté, chasteté, obéissance et charité». Chaque professe reçoit : le crucifix, le Livre des Constitutions, la lettre d’obédience et son affectation dans une maison religieuse. Bernadette est affectée à la maison-mère en tant qu'aide infirmière.

    En 1869, Bernadette est confrontée à de nouveaux problèmes de santé. En mars 1871, elle apprend le décès de son papa, François.

     De 1875 à 1878, la maladie progresse et c'est souffrante que Bernadette prononce ses vœux perpétuels. Le 11 décembre 1878, Bernadette s’alite définitivement, dans sa "chapelle blanche" comme elle appelle le grand lit à rideaux dans lequel elle passe ses longues nuits d'insomnie.

    Le 16 avril 1879, Bernadette décède : elle entre dans la Vie pour retrouver à jamais Jésus et la Vierge Marie, mais aussi tous ceux qui lui sont chers. Le 30 mai 1879, son cercueil est descendu dans le caveau de l’oratoire Saint-Joseph, dans le jardin de la maison-mère des Soeurs de la Charité de Nevers. Treize années durant, Bernadette aura pleinement vécu sa vocation de religieuse.

     

    La sainte

    Extrait de l'allocution du pape Pie XI pour la canonisation de Bernadette Soubirous :

    [...] "C’est la Sainte Vierge Immaculée qui vous a convoqués pour l’honorer elle-même et honorer sa petite servante, la petite, la grande sainte Bernadette, devenue la confidente de la Reine du Ciel. [...] La vie et la sainteté de Bernadette sont un fruit admirable et complet de la Rédemption. La nouvelle Sainte nous enseigne ce que le monde dédaigne et méprise : la vie cachée, la vie humble, de renoncement, qui est une des grandes leçons du Rédempteur, nous indiquant aussi ce précieux et divin enseignement : “Apprenez de Moi que je suis doux et humble de cœur”. L’Evangile se résume en cette leçon essentielle. Telle est bien la finalité de la vie chrétienne, la raison dernière des enseignements du Rédempteur qui, au cours de sa vie parmi les hommes, de Bethléem au Calvaire, est venu précisément pour que les âmes aient la vie, au sens strict du mot, et l’aient surabondamment. Le sentiment d’humilité qu’il a apporté au monde était totalement inconnu du monde païen, comme nous le constatons encore dans les régions qui ne sont pas évangélisées, infestées par les erreurs et les horreurs de toutes sortes. Quel contraste ! Après dix-neuf siècles, sainte Bernadette vient encore rappeler cette grande leçon à un monde où sévissaient l’arrogance de l’esprit, la superbe du cœur et le mépris de l’humilité.

     

    Lorsqu’une amie de Bernadette lui posa la question le lendemain de sa première communion : «De quoi as-tu été la plus heureuse : de la première communion ou des apparitions ?», Bernadette répondit : «Ce sont deux choses qui vont ensemble, mais ne peuvent être comparées – J’ai été heureuse dans les deux» (Emmanuélite Estrade, 4 juin 1858). Et son curé témoignait à l’Évêque de Tarbes au sujet de sa première communion : «Bernadette fut d’un grand recueillement, d’une attention qui ne laissait rien à désirer … Elle apparaissait bien pénétrée de l’action sainte qu’elle faisait. Tout se développe en elle d’une façon étonnante». Avec Bernadette, nous invoquons le témoignage de tant et tant de saints et de saintes qui ont eu pour la sainte Eucharistie le plus grand amour. Nicolas Cabasilas s'écrie et nous dit ce soir : « Si le Christ demeure en nous, de quoi avons-nous besoin ? Que nous manque-t-il ? Si nous demeurons en Christ, que pouvons-nous désirer de plus ? Il est notre hôte et notre demeure. Heureux sommes-nous d'être Sa maison ! Quelle joie d'être nous-mêmes la demeure d'un tel habitant ! » (La vie en Jésus-Christ, IV, 6).

     

    Mélanie - Timide, taciturne, renfermée, elle n’hésite pourtant pas à répondre quand il s’agit de l’Apparition. Elle reste quatre ans chez les Sœurs de la Providence : elle a peu de mémoire et moins d’aptitude encore que Maximin pour étudier. Dès novembre 1847, sa Supérieure craignait déjà que "Mélanie ne tirât vanité de la position que l’événement lui a faite". Cela s’explique chez cette fille pauvre, privée d’affection, "placée" dès l’âge de dix ans... et soudain projetée sous les feux de l’actualité. Au reste, elle est bonne chrétienne, et même pieuse. Elle essaie plusieurs fois "d’entrer en religion" mais en vain. Agressée par la curiosité, l’indiscrétion, les pressions de certains de ses visiteurs, avides de révélations politico-religieuses, Mélanie résiste mal à la tentation de jouer les oracles en reprenant les pseudoprophéties populaires sur la fin des temps qui réapparaissent périodiquement dans l’histoire de l’Eglise. Cependant, elle passe du Carmel de Darlington (Angleterre) à la Compassion de Marseille, puis reste dix-sept ans à Castellamare, près de Naples, écrivant secrets et Règle pour une hypothétique fondation religieuse : le Vatican prie l’évêque du lieu de lui interdire ce genre de publication mais elle cherche d’autres appuis. Après un séjour dans le midi à Cannes, nous la retrouvons à Chalon-sur-Saône, où, pour les mêmes raisons, elle a maille à partir avec l’évêque d’Autun. Elle retourne en Italie, près de Lecce, puis à Messine en Sicile ; revient en France, dans l’Allier, et finit d’y écrire une autobiographie mystique de mauvais aloi. Les 18 et 19 septembre 1902, elle passe à La Salette, et y fait le récit de l’Apparition. Puis elle retourne en Italie méridionale, à Altamura (Bari). Elle y meurt le 14 décembre 1904. Pauvre, croyante, pieuse, mais attachée à son propre sens, il est un point sur lequel Mélanie n’a jamais varié : ce qu’elle avait dit, comme Maximin, au soir du 19 septembre 1846, dans la cuisine des Pra, aux Ablandins. Maximin et Mélanie ont rempli leur mission. Le 19 septembre 1855, Mgr Ginoulhiac, nouvel évêque de Grenoble, résumait ainsi la situation : "La mission des bergers est finie, celle de l’Église commence".

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Conférence 4

     

     

     

    1. L’extase.

    Le dimanche 21 février, raconte le Henri Lasserre, «  avant le lever du soleil, une foule immense, plusieurs milliers de personnes (c’est dimanche, jour de repos, les gens sont plus disponibles qu’un jour de semaine) d’hommes et de femmes étaient déjà réunis devant la Grotte et tout autour. C’était l’heure où Bernadette avait coutume de venir. Elle arriva, enveloppée de son capulet blanc, suivie de quelques uns de siens, sa mère ou sa sœur. Ses parents avaient assisté la veille ou l’avant-veille, à ses extases ; ils l’avaient vue transfigurée, et maintenant ils croyaient.

    « L’enfant traversa simplement sans assurance comme sans embarras la foule qui s’écarta avec respect devant elle en lui livrant passage ; et sans paraître s’apercevoir de l’attention universelle, elle alla, comme si elle eût été toute seule au fond d’un désert, s’agenouiller et prier… »

    « Quelques instants après on vit son front s’illuminer et devenir rayonnant. L’apparition se manifestait devant elle. Tous ses traits montaient, montaient, et entraient comme dans une région supérieure, comme dans un pays de gloire, exprimant des sentiments et des impressions qui ne sont pas point d’ici-bas. Les yeux fixes et bienheureux contemplaient une beauté invisible qu’aucun autre regard n’apercevait, mais que tous sentaient présente, que tous, pour ainsi dire, voyaient par réverbération sur le visage de l’enfant. Cette pauvre paysanne semblait ne plus appartenir au pays de l’exil…

    « Tous ceux qui ont vu Bernadette en extase parlent de ce spectacle comme étant tout à fait sans analogue sur terre. Lorsque dix ans après nous en avons interrogé un grand nombre, leur impression était aussi vive que le premier jour.

    « Et malgré tout Bernadette gardait conscience de ce qui se passait autour d’elle.

    Ainsi un souffle de vent ayant éteins son cierge, elle étendit la main pour que la personne la plus proche le rallumât.

    Quelqu’un ayant voulu avec un bâton toucher l’églantier, elle fit instinctivement signe de le laisser, et son visage exprima la crainte. Un des observateurs, le docteur Dozous, était à côté d’elle. – Ce n’est là, pensait-il, ni la catalepsie avec sa roideur, ni l’extase inconsciente des hallucinés, c’est un fait extraordinaire, d’un ordre tout à fait inconnu à la médecine. »

     

     

     

    1. Retour sur la vocation de Bernadette d’après le Père Horacio Brito (art. Bernadette et la Croix dans Le signe de croix, synthèse de notre foi)

    Quel a été le lieu précis de Bernadette ? Le lieu où elle a donné sens à sa vie, le lieu de sa vocation ? Le lieu où elle a donné sa vie ? Sa place sur terre ? La grotte, ce n'était que quinze jours. Le lieu précis de Bernadette a été l'infirmerie de Nevers. Cette fille est entrée chez les sœurs de Nevers, chez les sœurs de la Charité et de l'Instruction Chrétienne de Nevers. Pourquoi ? Parce que les sœurs aiment les pauvres. Donc quelque part, elle se voyait comme sœur à Nevers dans une vie active, peut-être envoyée en mission.

     C'est un projet qu'elle a élaboré. Son noviciat s'est passé très mal. Elle a failli mourir deux fois. Au bout de ses deux ans, elle arrive à faire sa profession avec 43 autres novices. Et puis voilà, le lendemain, les nouvelles professes passaient devant les supérieures et l'évêque et puis on dit : « Qu'est-ce que l'on fait avec cette fille ? Elle est toujours malade.

     Ecoutez, nous allons l'envoyer à l'infirmerie. » On se rend compte qu'elle ne connaissait pas le métier d'infirmière. Donc, elle préparera les tisanes.

    Le grand projet de Bernadette, au lieu de partir dans un pays de mission, va consister à monter au premier étage. Et cette infirmerie qui nous dit tant sur la vie de Bernadette, c'est là où elle fera le don de sa vie. Et c'est là où elle s'identifiera au Christ. Cette infirmerie deviendra pour elle sa « chapelle blanche ».

    Je vais vous lire un texte. Ecoutez ce que dit Bernadette sur sa vie active.

    « Ah ! que le Bon Dieu a bien fait de ne pas me laisser le choix de mon genre de vie. Car assurément, je n'aurais pas élu de moi-même cette inaction où je suis réduite, où la Providence me veut. Il me semblait que j'étais née pour agir, pour me remuer, pour être toujours en mouvement. Le Seigneur me veut immobile. Mon bonheur serait de chanter les cantiques, les psaumes, les louanges de Jésus et de Marie. Dieu m'a donné de la voix, mais il veut que je sois muette. Quand je chante, je crache le sang, et on me défend de chanter. J'aurais tant aimé soigner les malades dans les hospices, élever les enfants, faire la salle d'asile, voyager. C'est là mon attrait, c'est là mon désir, c'est là mon élan. Hélas, je suis inutile en tout. Je n'acquiers aucun mérite ». Et ses yeux s'imprégnaient de mélancolie. Alors elle essaye de se frayer une voie, de faire autre chose.

     

     

    Si ce n'est pas ça le lieu, où est-il ? La vie active de Bernadette.

    Et puis qu'est-ce qu'elle nous dira, à ce propos, dans cette infirmerie ?

    «Je suis plus heureuse avec mon crucifix sur mon lit de souffrance, et en faisant le signe de croix qu'une reine sur son trône ».

    Elle supporta ses souffrances, ordinairement très vives, avec une grande résignation, sans se plaindre. Quand ses compagnes lui faisaient remarquer qu'elle était souvent sur la croix, elle prenait son crucifix et disait : «Je suis comme lui. »

    Dans la première intervention, il nous a été dit que saint Paul s'identifia au Christ par la Passion. Marie devient la Mère de l'humanité lorsqu'elle est au pied de la croix, par la Passion du Christ. Bernadette s'identifie à Marie, et donc au Christ, au moment de la Passion.

    Donc c'est le lieu, un lieu où l'on fait le passage. L'avons-nous découvert- ? Bernadette l'avait bien découvert. Et c'est ça le message de Marie.

     

    Ce qui différencie Bernadette des voyants de La Salette

     

    La Salette

    PAROLES DE LA VIERGE MARIE ...Si mon peuple ne veut pas se soumettre, Je suis forcée de laisser aller la main de mon Fils. Elle est si lourde et si pesante, que je ne puis plus la retenir. Depuis le temps que je souffre pour vous autres ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, Je suis chargée de le prier sans cesse. Et pour vous autres, vous n'en faites pas cas... "Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le septième, et on ne veut pas me l'accorder." Ceux qui conduisent les charrettes, ne savent pas parler sans y mettre le Nom de mon Fils au milieu. Ce sont les deux choses qui appesantissent tant le bras de mon Fils. Si la récolte se gâte, ce n'est qu'à cause de vous autres. Ah ! mes enfants, il faut bien faire votre prière soir et matin...

     Maximin - Pendant l’Apparition, il s’amusait avec son bâton à faire tourner son chapeau ou à pousser des cailloux vers les pieds de la Belle Dame : tel il est resté toute sa vie. Il répond aux enquêteurs avec simplicité mais du tac au tac. Cordial, dès qu’il se sent vraiment aimé. Malicieux, quand on veut le "récupérer". Volontiers espiègle, et même avec le Curé d’Ars, semble-t-il. Imprévoyant en affaires..., comme il l’était quand il partageait avec son chien, dès le matin, le casse-croûte de la journée. Un cœur d’or, toujours candide, dans une vie trimbalée : de l’école de Corps au séminaire du Rondeau, d’un presbytère de campagne à la Grande Chartreuse, du séminaire d’Aire-sur-Adour à l’hospice du Vésinet (Yvelines) ou au collège de Tonnerre (Yonne) où il est "employé". Chez les époux Jourdain, près de Versailles, il est pris en affection : il est question de lui faire entreprendre des études de médecine. En fait, il s’engage comme zouave pontifical, mais six mois après, il revient à Paris. Il publie alors "Ma profession de foi sur l’Apparition de Notre Dame de La Salette" en réponse à un article agressif de "La Vie Parisienne". Victime d’un associé, marchand de liqueurs, le voici encore sans ressources. Il demeure alors à Corps, qu’il aurait mieux fait de ne jamais quitter. Asthmatique et cardiaque, il monte une dernière fois au pèlerinage et fait sur les lieux le récit de l’Apparition. Le 1er mars 1875, il meurt à Corps, après avoir reçu la Communion et bu un peu d’eau de La Salette. Pauvre et généreux, il avait écrit un testament : pour redire son témoignage sur l’Apparition, et léguer son cœur au Sanctuaire de La Salette.

     

    1. Le désarroi à la grotte : la Dame n’est pas au rendez-vous.

    Bernadette revient le lendemain, le lundi 22 février. Les gens affluent, plusieurs centaines, et la fille est forte de l’invitation de la Dame. Or voici que rien ne se passe. On attend. Rien. Bonne occasion pour les autorités de reprendre les choses en main et pour tous ceux qui riaient de la comédie d’une jeune fille qui fait courir les crédules et les bien-pensants friands de merveilleux. M. Dufo, l’avocat, Pougat, le président du tribunal, et d’autres notables, des médecins, des commerçants, des gens qui avaient fait des études, et tous les anticléricaux n’attendaient que cette occasion pour se moquer. Le clergé était partagé; le curé du lieu, un homme rude, mais bon et zélé et intelligent résolut d’attendre que les événements se précisent.

    Bernadette est désemparée.

    Déjà la veille après les vêpres, un sergent de la ville, officier de police vêtu des insignes de la force publique, s’était approché d’elle et l’avait touchée sur l’épaule.

    - Au nom de la loi, dit-il.

    - Que me voulez-vous ? dit l’enfant.

    - J’ai ordre de vous prendre et de vous emmener.

    - Et où ?

    - Chez le commissaire de police. Suivez-moi.

    Et Bernadette se trouvait ce soir-là face à M. Jacomet, le commissaire de police, pour la première, mais pas la dernière fois. Les autorités furent lents à la détente. On connaît le dialogue grâce à M. Estrade, l’inspecteur des impôts, qui voulait assister à l’interrogatoire :

    Jacomet : Il paraît que tu vois une belle Dame à la grotte de Massabielle, ma bonne petite. Raconte-moi tout.

    Bernadette avec son regard innocent raconte et répond aux questions.

    Jacomet : Tu mens, s’écria-t-il soudain.

    On peut imaginer la frayeur de la petite fille. Elle répond cependant avec calme :

    - Monsieur, vous pouvez me faire prendre par les gendarmes, mais je ne peux dire que ce que j’ai dit. C’est la vérité.

    - C’est ce que nous allons voir, répondit le commissaire.

    1. Estrade qui était témoin de la scène était partagé entre l’étonnement prodigieux que lui inspirait l’accent de conviction de Bernadette et l’admiration pour la stratégie habile de Jacomet. Ce dernier cherchait à faire entrer la fille en contradiction avec elle-même. Rien n’y fait. Alors il rédigea le procès-verbal et le lut à la fille. A chaque légère altération du texte Bernadette répondait humblement :

    - Non, je n’ai pas dit cela, mais ceci.

    Le commissaire voyant qu’il n’arrivait à aucun résultat reprit le ton de la menace :

    - Si tu continues d’aller à la Grotte, je te fais mettre en prison, et tu ne sortiras d’ici qu’en t’engageant à ne plus y retourner.

    - J’ai promis à la vision d’y aller, dit l’enfant. Et puis quand le moment arrive je suis poussé par quelque chose qui vient en moi et qui m’appelle.

    Le commissaire lance des menaces au père de l’enfant.

    Le lendemain c’est la consternation chez Bernadette et la foule qui s’était assemblée, mais la fille resta sûre de ce qu’elle disait, le doute ne l’effleurait pas, mais en rentrant en ville elle versait des larmes.

    Nouvelle comparution devant le commissaire en présence des parents.

    Les apparitions reprennent à partir de mardi. Nouvelle épreuve le vendredi suivant : la Dame n’est pas au rendez-vous.

    Elle se montre les jours suivants, du 27 février au 5 mars. Ce dernier jour-là ce sera la 15e apparition. Elle apparaîtra encore trois fois à des intervalles importants : le 25 mars, le 4 avril et le 16 juillet. Des foules de plus en plus nombreuses se pressent à Lourdes.

     

    1. Pourquoi ces absences ?

    Bernadette se pose elle-même la question dès la première absence : « Je ne sais pas en quoi j’ai manqué à cette Dame ». « Qu’est-ce que je lui ai fait ? Est-elle fâchée ?... »

    Pourquoi cette épreuve ?

    Je pense que ma question porte en elle-même sa réponse, il s’agit bien d’une épreuve. Une épreuve nécessaire dans toute vie de prière, répond François Vayne, qui est responsable de la librairie de Lourdes et de la revue Lourdes-Magazine et qui a écrit un très beau petit livre Prier 15 jours avec Bernadette. Le Seigneur ne paraît pas toujours quand on l’attend. Il faut apprendre, dit : la petite Thérèse de Lisieux, que le Seigneur est plus près de nous quand nous nous croyons abandonnés. « Les jours vides, dit encore Vayne, sont l’occasion pour nous de manifester notre fidélité. Le Christ lui aussi a vécu ce sentiment d’angoisse : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné » ? Cette parole du Christ n’est en fait que la reprise d’un verset du psaume 27, et qui n’est rien d’autre qu’un cri qui traverse toute l’histoire d’Israël et plus encore toute l’histoire de l’humanité.

    [Le samedi 10 avril j’ai noté dans mon Journal : Ce matin, tandis que je prépare cette causerie  je lis au bréviaire un extrait de la Première lettre de saint Pierre et je n’ai pas pu m’empêcher de penser à Bernadette. Ces versets de l’apôtre Pierre correspondent exactement à ce que j’essaie de dire sur l’épreuve qu’a connue la fille avec les tracasseries des autorités et aussi la non-apparition le lundi et vendredi. Voici le texte : « Mes bien-aimés, ne vous laissez pas dérouter ; vous êtes mis à l’épreuve par les événements qui ont éclaté chez vous comme un incendie ; ce n’est pas quelque chose de déroutant qui vous arrive. Mais puisque vous communiez aux souffrances du Christ, réjouissez-vous, afin d’être dans la joie et l’allégresse quand  sa gloire se révélera. Si l’on vous insulte à cause du nom du Christ, heureux êtes-vous, puisque l’Esprit de gloire, l’Esprit de Dieu repose en vous… Si l’on fait souffrir l’un de vous… en tant que chrétien qu’il n’ait pas de honte et rende gloire à Dieu à cause de ce nom de chrétien. Car voici le temps du jugement, il va commencer par la famille de Dieu… » (I Pierre 4, 12et suivants)]

     

     

    5 les secrets entre Marie et Bernadette.

     

    Je cite le témoignage de la fille sur la quinzaine des apparitions :

     

    J’y revins pendant quinze jours. La vision parut tous les jours, à l’exception d’un lundi et d’un vendredi. Elle me répéta plusieurs fois que je devais dire aux prêtres qu’il devait s’y faire une chapelle et d’aller à la fontaine pour me laver et que je devais prier pour les pécheurs. Dans l’espace de ces quinze jours elle me donna trois secrets qu’elle me défendit de dire à personne. J’ai été fidèle jusqu’à présent. »

     

    De quoi s’agit-il dans ces secrets ?

    Evidemment je n’en sais rien, personne n’en sait rien, puisqu’elle a tenu parole et qu’elle n’en a rien laissé paraître. Mais ce qu’Henri Lasserre a perçu me semble si juste que je ne résiste pas à vous en lire l’essentiel :

    Il nous est permis de remarquer la profonde et délicate connaissance du cœur humain et la maternelle sagesse, qui déterminèrent sans doute l'auguste Interlocutrice de Bernadette à faire précéder de quelques paroles, entièrement secrètes, la mission publique dont elle l'investissait. Favorisée aux yeux de tous de visions merveilleuses, chargée envers les prêtres du vrai Dieu d'un message d'outre-monde, cette âme d'enfant, jusque-là si paisible et si solitaire, se trouvait transportée tout à coup au centre des foules innombrables et des agitations infinies. Elle allait être en butte aux contradictions des uns, aux menaces des autres, aux railleries de plusieurs, et, ce qui était bien plus dangereux pour elle, à l'enthousiaste vénération d'un grand nombre. Les jours approchaient où des multitudes l'acclameraient et se disputeraient comme des reliques saintes les lambeaux de ses vêtements ; où des personnages éminents et illustres se prosterneraient devant elle et lui demanderaient de les bénir, où un Temple magnifique s'élèverait et où des peuples entiers s'ébranleraient en pèlerinages et en processions incessantes sur la foi de sa parole. Et c'est ainsi que cette pauvre fille du peuple était sur le point de traverser l'épreuve la plus terrible qui pût assaillir son humilité, épreuve où elle pouvait perdre à jamais sa simplicité et sa candeur, toutes ces vertus modestes et douces qui avaient germé et fleuri au sein de la solitude. Les grâces mêmes qu'elle recevait devenaient ainsi pour elle un péril redoutable, un péril auquel plus d'une fois ont succombé des âmes d'élites, honorées des faveurs du Ciel (notre auteur pense certainement aux voyants récents de La Salette). Saint Paul lui-même, après ses visions, était tenté d'orgueil et avait besoin que le mauvais ange de la chair le souffletât pour l'empêcher de s'exalter en son cœur.

    La sainte Vierge voulait garantir cependant cette petite fille qu’elle aimait, sans permettre au Mauvais Ange d'approcher de ce lys de pureté et d'innocence, éclos aux rayons de sa grâce. Or, que fait la Mère quand un danger menace son enfant? Elle le serre davantage et plus tendrement sur son sein et elle lui dit tout bas, dans le mystère d'une parole doucement murmurée en son oreille : « Ne crains rien, je suis là. » Et, si elle est obligée de le quitter un instant et de le laisser seul, elle ajoute : « Je ne m'éloigne point, je suis à deux pas de toi, ici même, et tu n'as qu'à étendre la main pour prendre la mienne. » Ainsi fit, pour Bernadette, la Mère de nous tous. Au moment où le monde et ses tentations diverses, Satan et ses pièges subtils pouvaient s'efforcer de la lui arracher, Elle voulut la faire entrer plus profondément dans son intimité; Elle l'entoura de ses bras et la serra plus fortement sur son cœur. Dire, - Elle, la Reine du Ciel ! - un secret à l'enfant de la terre, c'était faire tout cela : c'était élever Bernadette jusqu'à la portée de ses lèvres parlant à voix basse; c'était fonder dans le souvenir de la petite fille un lieu de refuge inaccessible, on lieu de paix et d'intimité, que nul ne viendrait jamais troubler.

    Un secret, confié et entendu, crée entre deux âmes le plus étroit des liens. Dire un secret, c'est donner un gage assuré d'affectueux abandon et de fidélité; c'est établir un sanctuaire fermé et comme un rendez-vous sacré entre deux cœurs. Quand quelqu'un, et surtout quelqu'un d'infiniment au-dessus de nous, nous a révélé son secret, nous ne pouvons plus douter de lui. Son amitié, par cette intime confidence, a pris en quelque sorte domicile en nous-mêmes, et il se rend par là l'hôte constant, j'allais dire, avec plus de netteté, l'habitant de notre âme. Penser à ce secret, c'est en quelque sorte serrer mystérieusement sa main et le sentir présent.

    Et c'est ainsi qu'un secret confié par la Vierge à Bernadette devenait pour cette dernière la plus sûre des sauvegardes. Ce n'est point la théologie qui nous l'enseigne: c'est l'étude même du cœur humain qui le rend évident.

     

     

    1. Encore sur la vocation de Bernadette et la nôtre.

    Les apparitions ont joué un rôle déterminant dans la vocation de Bernadette. Elle n’a pas vu clair d’emblée, de façon brutale comme l’apôtre Paul. Ce dernier nous raconte dans la lettre aux Galates :

    « Vous avez entendu parler de mon comportement naguère dans le judaïsme, avec quelle frénésie je persécutais l’Eglise de Dieu et je cherchais à la détruire ; je faisais des progrès dans le judaïsme, surpassant la plupart de ceux de mon âge et de ma race par mon zèle débordant pour les traditions de mes pères. Mais lorsque celui qui m’a mis à part depuis le sein de ma mère et m’a appelé par sa grâce a jugé bon de révéler en moi son Fils afin que je l’annonce parmi les païens, aussitôt, loin de recourir à aucun conseil humain ou de monter à Jérusalem auprès de ceux qui étaient apôtres avant moi, je suis parti » Gal. 1,13-17)

    Jérémie pareillement fait remonter le moment de sa vocation avant sa conception et sa naissance (Jr. 1,4-5).

    Jésus perçoit la voix du Père après son baptême dans le Jourdain : Jésus prie ; alors le ciel s’ouvre ; l’esprit saint descend sur lui sous une apparence corporelle, comme une colombe, et une voix vient du ciel :’’Tu es mon fils aujourd’hui je t’ai engendré’’ ». Il sent qu’il a une mission à accomplir et que c’est le moment de s’y lancer – il avait environ trente ans. Les disciples sont arrachés assez brutalement à la vie qu’’ils menaient avant l’appel du Christ – les uns étaient pêcheurs, Matthieu était à son bureau de douane…

    Et nous ?

    Nous ne sommes pas nécessairement appelés à être des apôtres, mais à faire de notre vie un chemin vers quelque part… vers Dieu. Nous sommes tous des pèlerins, en route vers… L’aventure humaine consiste à sortir et à quitter pour… un pays que la vie nous dévoile peu à peu  et qui fait que notre vie est une, bien que nous n’en percevions la plupart du temps que des bribes - et unique – personne ne peut faire à ma place. Et cette tâche n’est pas impossible. Nous pouvons l’accomplir. We can. Barack Obama nous l’a dit le 8 janvier dans un discours de campagne présidentielle, et ce mot a parcouru le monde comme une traînée de poudre comme un autre de son frère de race cinquante ans plus tôt, Martin Luther King :

     « Lorsque nous avons surmonté des épreuves apparemment insurmontables ; lorsqu’on nous a dit que nous n’étions pas prêts, ou qu’il ne fallait pas essayer, ou que nous ne pouvions pas, des générations d’Américains ont répondu par un simple credo qui résume l’esprit d’un peuple. « Oui, nous pouvons.

    « Ce credo était inscrit dans les documents fondateurs qui déclaraient la destinée d’un pays. « Oui, nous pouvons.

    « Il a été murmuré par les esclaves et les abolitionnistes ouvrant une voie de lumière vers la liberté dans la plus ténébreuse des nuits. « Oui, nous pouvons.

    « Il a été chanté par les immigrants qui quittaient de lointains rivages et par les pionniers qui progressaient vers l’ouest en dépit d’une nature impitoyable. « Oui, nous pouvons. »

    « Ce fut l’appel des ouvriers qui se syndiquaient ; des femmes qui luttaient pour le droit de vote ; d’un président qui fit de la Lune notre nouvelle frontière ; et d’un King [NDLR : en anglais, un roi, mais ici il s’agit de Martin Luther King] qui nous a conduits au sommet de la montagne et nous a montré le chemin de la Terre promise. « Oui, nous pouvons la justice et l’égalité. Oui, nous pouvons les chances et la prospérité. Oui, nous pouvons guérir cette nation. Oui, nous pouvons réparer ce monde. « Oui, nous pouvons. »

     

     

     


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