• 5e dimanche de carême B 2015 (Pour que Dieu naisse en moi (Maître Eckhart)

    Pour que Dieu naisse en moi (Maître Eckhart) 

     

     

    Je vais essayer de vous dire une chose toute simple, si simple qu’on passe la plupart du temps à côté d’elle, et cette chose, cette parole vient d’un grand mystique qui est connu sous le nom de Maître Eckart :

     

    A celui qui me demanderait : pourquoi prions-nous ? pourquoi faisons-nous tant d’efforts au long de notre vie ? pourquoi sommes-nous baptisés, pourquoi Dieu s'est-il fait homme? Je dirais : pour que Dieu naisse dans l'âme et que l'âme naisse en Dieu. C'est pour cela que Dieu a créé le monde et qu’il a créé l’homme et que je suis sur terre, un peu de temps... afin que Dieu naisse dans l'âme et que l'âme naisse en Dieu. (Sermon 38, Missus est, p. 48)

     

     

    Ce mystique allemand du XIVe siècle ne dit pas autre chose que ce que disait déjà saint Augustin des siècles plus tôt : « Seigneur, quand je ne Te connaissais pas encore, Tu étais avec moi, plus intérieur à moi que je ne le suis moi-même», c'est-à-dire plus intérieur à mon fond le plus intime, au fond de mon fond. L'esprit découvre Dieu présent en lui, comme un au-delà de lui-même. «Je te cherchais dehors et tu étais dedans», dit encore saint Augustin. Et enfin ce mot : «En toi, il y a quelqu'un de plus grand que toi. »

     

    En nous, il y a comme un puits d’eau vive et nous le savons si peu !

     

    Il y a dans la Bible un épisode tout à fait remarquable qui illustre ce que je veux dire :Il y avait eu une famine au temps d’Abraham ; mais de nouveau la famine revient dans le pays au temps de son fils Isaac. Celui-ci part donc au pays des Philistins. Il y ensemence la terre et récolte cent pour un, jusqu’à devenir très riche. Ses troupeaux de petit bétail, ses troupeaux de gros bétail et ses nombreux serviteurs rendent les Philistins jaloux à tel point qu’ils bouchent en les remplissant de terre tous les puits que les serviteurs de son père Abraham avaient creusés en son temps. Isaac creuse de nouveau et y trouve de l’eau vive.

     

    Il y a dans cet épisode tout ce que j’essaie de vous. Écoutez, je vous en lis un extrait : Le peuple meurt de soif, même en face des Écritures, jusqu'à ce qu'Isaac vienne les ouvrir... Il ouvre les puits, et nous enseigne que le lieu où l'on doit chercher Dieu, c'est notre cœur... Voyez donc qu'il y a sans doute aussi dans chacune de nos âmes un puits d'eau vive, comme un certain sens céleste et une image de Dieu cachée. C'est ce puits que les Philistins, c'est-à-dire les Puissances adverses, ont empli de terre... Mais notre Isaac a recreusé le puits de notre propre cœur, et il en a fait rejaillir des sources d'eau vive... Si donc aujourd'hui même vous m'écoutez fidèlement, Isaac accomplit son œuvre en vous, et en purgeant votre cœur il vous ouvre les mystères de l'Écriture et vous fait croître dans son intelligence... Dieu est près de vous, il est même en vous, il enlève la terre de chacune de vos âmes et en fait jaillir l'eau vive...

     

    A la question : que t’apprend Maître Eckart ?, Alexandre Jollien répond : « Il m’apprend à me libérer de tout, y compris de Dieu, pour aller vers Dieu. » Faudra-t-il me libérer de Dieu ? Eh, oui. Car le Dieu que je m’imagine, n’est pas Dieu ; il n’est qu’une idée de Dieu, une idole de Dieu. Il faut m’en détacher pour que Dieu même trouve place en moi. Et comment m’y prendre ? Que faire ? Suivre tout simplement le chemin vers Dieu, qui est le Christ – lui qui nous rassemble ici, maintenant : « Je suis, dit-il, le chemin, la vérité et la vie ». C’est vers lui que je me tourne.

     

    Et pourquoi vous dis-je cela ?

     

    Michel Delpech, eh oui, Michel Delpech, la star des yé-yé, évoque à sa façon ce que j’essaie de vous dire dans un petit livre, son chemin vers Dieu :

    « … j'allais au plus mal. Mais les choses sérieuses sont arrivées quand j'ai commencé à tourner la page noire de ma vie – une forte dépression -, à quoi je ne m’attendais pas. Quand j'ai amorcé la sortie de mon mal-être pour regarder autour de moi, afin de remonter la pente, il m'a fallu piocher au plus profond de mon être, dans le fond du fond. Je suis spontanément retourné dans les églises que j’avais abandonnées après l’enfance ; elles m'attiraient et je m'y sentais bien. C'est en fait là, dans le silence, que je rentrais le mieux en moi. Je ne nommais pas encore Dieu… »

     

    « Une minute de recueillement et tu as accès au contenu de ton puits », dit Yves Girard (dans Le vide habité, p. 85).

     


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